Le Syndrome de l’Intestin Irritable peut-il exister sans Dysbiose ?
Nous reprenons dans le titre ci-dessus une question qui a été posée sur le groupe d’entraide Facebook « Info SII, Candidose, SIBO, dysbiose, perméabilité intestinale« .
Voici donc une série de considérations pour répondre à cette question :
1) Le Syndrome de l’Intestin Irritable (SII), par définition médicale, est un syndrome fonctionnel -> ce qui signifie que son diagnostic est basé sur :
-> Critères symptomatologiques :
– l’existence de troubles intestinaux : qui peuvent aller de la constipation obstinée à la diarrhée cataclysmique
– de manière chronique : pendant une période continue de 3 mois ou plus
-> Critères anatomiques et histologiques de l’intestin :
– absence de maladies auto-immunes (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique)
– absence de maladie cœliaque
– absence de problématiques oncologiques dans l’intestin
Et en effet, les recommandations et guides de bonnes pratiques ne mentionnent pas la dysbiose du microbiote comme un critère de diagnostic. Mais il est fondamental de préciser qu’ils ne le font pas non pas parce qu’elle n’existe pas, mais plus simplement parce qu’il n’existe pas, à ce jour, d’instrument d’évaluation fiable de la dysbiose.

2) Ceci étant dit, il convient de souligner que le SII est un syndrome impliquant des changements (parfois radicaux) dans l’environnement physiologique du microbiote :
-> Changements dans la lumière intestinale
Les altérations des processus digestifs entraînent des changements dans la composition du bol alimentaire et/ou des matières fécales qui passent dans l’intestin grêle puis dans le côlon. Ainsi, les souches (bactéries, levures et virus) qui composent le microbiote voient leur environnement changer et doivent, par nécessité, s’adapter à ces changements (qu’il soit grand ou petit).
De plus, en changeant leur « nourriture », certaines colonies de micro-organismes voient leur croissance facilitée, tandis que d’autres souffrent de famine et ont tendance à régresser. Ces mécanismes entraînent des changements dans la composition proportionnelle du microbiote.
-> Modifications de la muqueuse intestinale
Les troubles intestinaux (quelle que soit leur nature), lorsqu’ils sont chroniques, sont associés à une inflammation (superficielle ou profonde selon les cas) de la barrière entérocytaire. Se trouvant sur un « terrain » inflammatoire, les micro-organismes du microbiote vont subir les changements que leur imposent les conditions environnementales. Là encore, ils devront s’adapter et, pour ce faire, se réorganiseront avec des colonies « gagnantes » (car mieux adaptées) et d’autres contraintes à régresser ou à disparaître (car incapables de survivre dans ces nouvelles conditions).
La « dysbiose », que nous pourrions également décrire comme une « évolution adaptative du microbiote », apparait donc comme un changement physiopathologique parallèle au SII de manière inévitable.
3) Malgré tout, le SII ne doit PAS être abordé sous l’angle de la dysbiose (paradoxe !)
En effet, les approches thérapeutiques totalement axées sur le microbiote et son soutien sont des méthodes qui, de mon point de vue, n’ont pas beaucoup de sens car on ne peut pas « résoudre la dysbiose » (autrement dit : revenir en arrière dans les changements évolutifs du microbiote) si les conditions environnementales qui ont conduit à ces modifications dans la composition du microbiote persistent.
Une prise en charge cohérente du SII devrait donc toujours commencer par :
-> Une régularisation du transit et un contrôle de la composition du bol alimentaire
-> Une gestion correcte de l’inflammation en vue de sa réduction
Ce n’est qu’alors que nous pourrons penser au microbiote (qui, de toute façon, n’attendra pas que nous intervenions – avec des probiotiques ou autre – pour s’adapter à nouveau à des conditions environnementales plus favorables à un équilibre physiologique).